Delacroix 2018

7 Accusé dès ses premières apparitions au Salon d’être incapable de dessiner correctement, Delacroix n’a pas cherché de son vivant à réfuter les attaques réitérées de ses détracteurs. Dans son Journal, au reste, il a fort peu parlé de ses dessins ou du Dessin en tant que tel, tandis qu’il est revenu inlassablement sur les questions de la couleur et des reflets lumineux. Nulle entrée spécifique à propos du dessin ne figure dans l’ébauche de son Dictionnaire des Beaux-Arts, commencé en 1857, seulement cette mention lapidaire: “Dessin par les milieux ou par le contour.” 3 Trois ans plus tôt, cependant, au cours d’un séjour à Champrosay en avril 1854, l’artiste avait consigné dans son journal une plaidoirie véhémente pour l’une des formes les plus vivantes du dessin selon lui, le croquis, insistant plus particulièrement sur un aspect à ses yeux fondamental: “L’idée première, le croquis, qui est en quelque sorte l’œuf ou l’embryon de l’idée, est loin ordinairement d’être complet; il contient tout, si l’on veut, mais il faut dégager ce tout, qui est autre chose que la réunion de chaque partie. Ce qui fait précisément de ce croquis l’expression par excellence de l’idée, c’est non pas la suppression des détails, mais leur complète subordination aux grands traits qui doivent saisir avant tout. ( . . . ) Chez les grands artistes, ce croquis n’est pas un songe, un nuage confus, il est autre chose qu’une réunion de linéaments à peine saisissables; les grands artistes seuls partent d’un point fixe et c’est à cette expression pure qu’il leur est si difficile de revenir dans l’exécution longue ou rapide de leurs ouvrages. L’artiste médiocre, occupé seulement du métier, y parviendra-t-il à l’aide de ces tours de force de détails qui égarent l’idée, loin de la mettre dans son jour?” 4 A reprendre les commentaires qu’inspirent à Delacroix le traité de son élève et amie, Elisabeth Cavé, Le Dessin sans maître, il est du reste évident que l’artiste n’était pas indifférent aux problèmes du dessin: “Dessiner n’est pas reproduire un objet tel qu’il est, ceci est la besogne du sculpteur, mais tel qu’il paraît, et ceci est celle du dessinateur et du peintre; ce dernier achève, au moyen de la dégradation des teintes, ce que l’autre a commencé

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